Il est des lieux où le temps semble ralentir. Dans mon atelier à Genève, la lumière filtre doucement à travers la fenêtre, glissant sur les perles, s’attardant sur les pierres avant de se poser sur la table de travail. C’est là, dans ce silence ponctué de gestes et de reflets, que naissent mes bijoux.
Chaque matin commence par un rituel. Je dispose mes pierres devant moi — opales, rubis, calcites, perles d’eau douce — comme on disposerait des mots avant d’écrire un poème. J’observe leurs nuances, leurs textures, leur façon de dialoguer entre elles. Certaines s’accordent immédiatement, d’autres se cherchent, se repoussent, se répondent. Je les laisse parler.
Créer, pour moi, c’est d’abord écouter la matière.
La main suit ensuite.
C’est elle qui traduit le murmure de la pierre, qui ajuste, enfile, polit, monte le fil d’or ou d’argent. Chaque geste compte : l’alignement d’une perle, la tension d’un fil, la transparence d’un cristal placé juste au bon endroit. J’aime cette lenteur, cette précision.
Le bijou naît dans un souffle, dans un équilibre fragile entre hasard et intention.
Il y a toujours, dans la création, ce moment suspendu : lorsque la pièce s’achève et que la lumière s’y dépose enfin.
C’est là que tout prend sens.
Le bijou n’est plus seulement une composition de matières, il devient une émotion visible — une trace de beauté rendue tangible.
Je crois que les bijoux portent la mémoire de leur naissance.
Dans une perle, il reste la douceur de mes doigts ; dans un rubis brut, la chaleur du geste ; dans une opale, la lumière du matin.
Ces empreintes invisibles sont, pour moi, ce qui donne à chaque création son âme.
Créer ici, à Genève, c’est aussi une forme de dialogue avec le monde.
Je travaille avec des pierres venues de lointains horizons — Inde, Chine, Afghanistan — mais c’est ici que je les fais se rencontrer.
Mon atelier devient une passerelle entre cultures, entre gestes anciens et formes contemporaines, entre la Terre et la lumière.
Je ne cherche pas la perfection : je cherche l’harmonie.
Cette petite vibration qui fait qu’un bijou respire, qu’il vit, qu’il éveille quelque chose chez celui ou celle qui le porte.
Car au fond, c’est là le sens de ma démarche : créer pour relier.
Relier la matière à l’âme, le geste à la beauté, le visible à l’émotion.
Chaque bijou est une conversation silencieuse, un fragment de lumière offert au monde.
Et chaque fois qu’une personne le porte, la lumière continue son chemin. ✨

